Joseph BARRIERE
1874-1957
Il est des hommes célèbres qui ne sont pas pour autant estimables ; heureusement beaucoup cumulent ces deux qualités. Mais il y a aussi des gens estimables qui mériteraient d'être, sinon célèbres, du moins connus, ne fût-ce que dans leur province. C'est le cas du volvicois Joseph BARRIERE, homme tout de droiture, intelligent et cultivé, poète et peintre à la sensibilité frémissante.
François-Marie-Joseph BARRIERE est né à Clermont-Ferrand le 7 Novembre 1874 ; ainé d'une fratrie de sept enfants. Il a pour père Léopold BARRIERE (1834-1902), auteur de "Poésies et Poèmes", et pour mère une auvergnate pure souche, Marguerite CHIROL de LABSADE. L'enfance et la jeunesse de Joseph BARRIERE connurent une éducation rigide, mais empreinte de tendresse, un mode de vie presque austère, dans la gaîté qu'engendre une famille nombreuse. Il fait ses études au collège Massillon, puis intègre en 1892 l'Institut National Agronomique à Paris. Ses trois années de service militaire effectuées au 92eme R.I. à Clermont, il entre dans les années 1900 en qualité d’ingénieur à la sucrerie de Bourdon, près d'Aulnat, dont il deviendra le directeur technique plus tard.
Il épouse le 3 Janvier 1900 à Volvic Marie Magdelaine Pia PIRON. Auparavant, il a accompli, durant l’été 1896, le pèlerinage Volvic-Lourdes à pied (550 km en 11 jours) en compagnie d’un abbé, le père LESTRADE, pour obtenir la grâce d’épouser l’objet de ses vœux ; le père de cette dernière ne se montrant pas, au début, favorable à l’idylle de sa fille avec « ce galopin » plus jeune qu’elle et poète de surcroît. Ils eurent cinq enfants nés entre 1901 et 1911.
Au début de la Grande Guerre, à 40 ans, Joseph Barrière est mobilisé dans les « territoriaux » et envoyé pendant quelque mois au Maroc (il en rapportera des poésies et des croquis), puis au front en Alsace et en Champagne (autres tableaux) où il est blessé à la main droite par un éclat d’obus (Mai 1915). Il continue toutefois à participer aux combats, en particulier lors de la bataille de l’Aisne, et ce jusqu’à l’Armistice.
S’en suivent alors 25 ans d’éloignement de l’Auvergne, tout d’abord dix ans en tant que banquier à Boulogne sur Mer, puis 15 ans à Paris jusqu’à l’heure de la retraite en 1943 où il retrouve sa terre natale.
L'amour passionné de son père pour la nature, son goût de la littérature et de la poésie, des facilités comparables et le don du dessin chez sa mère contribuèrent à éveiller la vocation artistique de Joseph. Ses premières œuvres connues, en poésie comme en peinture, semblent dater de 1890, grâce notamment à la formation reçue auprès de Louis BONNETON, peintre de renom à Clermont, qui enseignait à l'Ecole des Beaux-Arts. Puis, pendant la durée de ses études à Paris, son père demanda à son ami Henri HARPIGNIES, peintre de renommée, célèbre de son vivant, de bien vouloir conseiller son fils. Joseph eut dès lors sa carte "d'élève d'Harpignies" lui permettant d'aller travailler au Louvre et au Luxembourg. Ce dernier ayant été lui-même élève de Jean-Baptiste COROT (peintre français du XIXème siècle apparenté au mouvement réaliste) ; les premières œuvres de Joseph dénotent cette double influence.
Il s'en libéra par la suite pour acquérir un style plus personnel, reprenant la technique des touches de couleurs créée par les peintres impressionnistes (dont il découvre les toiles à Paris), rendant ses toiles beaucoup plus lumineuses et contrastées. Il est également marqué par ses rencontres et amitiés avec les peintres de l’école de Murols, et particulièrement par Victor CHARRETON, avec qui il a été assez lié, Mario PEROUSE, Christian BARDET et autres.
La maison des Counils (située à Volvic) a une importance toute particulière pour l’artiste ; au cours de son enfance, il y passe en famille les fêtes de Pâques et toutes les grandes vacances. Les Counils devinrent ensuite, outre « le centre et le foyer très chers, le havre que l’on rallierait des longs voyages de la vie », le lieu d’inspiration majeur de l’œuvre de l’artiste. En effet, Joseph Barrière a choisi principalement pour ses tableaux, des thèmes locaux tels que les « pelouses, halliers, bosquets, perspectives, terrasses » des Counils au gré des saisons, sans oublier le château de Tournoël, posé sur un piton rocheux surplombant Volvic.
La représentation quasi exclusive de paysages est un choix délibéré de l’artiste mais les quelques portraits et natures mortes qu’il a réalisés laissent à penser qu’il eut réussi aussi dans ces domaines. Enfin, les années d’exil et les vacances lui ont fourni d’autres horizons tels que les côtes du Pas de Calais, de la Bretagne ou Paris avec ses quais et ses jardins.
L’observation des tableaux dans leur ordre chronologique permet de distinguer trois périodes dans l’œuvre de l’artiste.
La première, que l’on qualifiera de classique et réaliste, s’étend jusque vers 1905 et reprend ce qui lui a été enseigné : des couches picturales lisses, des représentations précises et des couleurs douces.
Puis, la rencontre avec CHARRETON va le conduire à délaisser les pinceaux pour utiliser le couteau, la peinture implique alors plus de matière, les couleurs sont plus franches et plus hautes.
Enfin, la troisième période démarre à la fin des années 40 pour atteindre un modernisme tranchant avec les premières œuvres de l’artiste. La matière prend toute son ampleur et les couleurs sont à leur paroxysme. On ne que s’en s’étonner ! De près, le tableau est une confusion de tâches, d’éclaboussures, de giclées, les couleurs sont franches et contrastées ; mais un peu de recul et le tableau se recompose, le sujet devient parfaitement lisible. Les couleurs, restées sur la palette de l’artiste à sa mort, attestent de leur éclat et de leur pureté. Pour autant, les derniers tableaux restent des plus nuancés et harmonieux, en lien avec les couleurs de la nature qui sert de modèle à l’artiste.
Joseph Barrière n’a mis en vente aucune de ses toiles, préférant faire profiter ses proches de son passe-temps gracieusement. Toutefois, il n’hésita pas à s’affirmer comme artiste en produisant ses œuvres dans des salons ou plus exceptionnellement en galeries. La première exposition attestée remonte à 1897, avec le tableau « Feuilles nouvelles ». Sa première exposition à Paris aura lieu en 1936 au Salon des Artistes français ; il y figurera tous les ans (sauf en 1939) jusqu’en 1943, date à laquelle il quitta la capitale pour regagner définitivement l’Auvergne. A chaque exposition il ne présentait qu’une ou deux œuvres, car il n’en produisait guère plus annuellement. C’est au moment de la retraite qu’il fut plus prolifique.
Il est à noter que dans leurs articles, les critiques de l’époque mettent en exergue un peintre de grand talent avec une grande sensibilité.
Il mourut à Volvic à 82 ans, le 11 Avril 1957.
Joseph Barrière était :
Membre de la Société des Artistes Français
Membre de la Société des Artistes d’Auvergne
Membre de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Clermont.
Lauréat de l’Académie Française (prix de poésie Caroline Jouffroy-Renault, en 1942) pour son recueil Le champ de seigle.
Sources
Joseph Barrière, Philippe AUSSERVE, Editions Musée des Peintres de Murols, 2006
Le Gonfanon, n°67 : 69-97, 2001
Texte de Maïleine de Montaignac (petite-fille de Joseph Barrière)